JEANNOT DRAGON |
(c) 1994, Dominique Millette
Il était une fois un jeune dragon grand et fort, qui s'appelait Jeannot. Il pouvait lancer des flammes jusqu'à six pieds, et faisait peur à bien des gens. Ses grands pieds laissaient d'énormes cratères partout où il passait. Parfois, il démolissait des maisons par accident. Mais Jeannot était si timide qu'il se cachait toujours le visage et ne regardait jamais devant lui. Il ne voyait donc pas ce qu'il faisait. Les gens se fâchaient contre lui, et le maudissaient rondement chaque fois qu'il faisait un gâchis. Cependant, Jeannot ne comprenait pas pourquoi on lui criait tant par la tête. Jeannot, voyez-vous, croyait qu'il était un petit lapin. Plusieurs années auparavant, lorsque Jeannot était un dragonnet, certains villageois s'étaient moqués de lui, et l'avaient traité de lapinet. Jeannot était sûr que c'était vrai, et qu'il l'était encore. Il n'aimait pas du tout être un lapin, parce qu'ainsi, il se sentait tout petit et sans défenses. Donc, il était souvent mécontent. Jeannot voulait être tout comme les dragons qui l'avaient dorloté lors de son enfance, car il les considérait forts et bienveillants. Cependant, il désespérait de pouvoir leur ressembler. Bien que Jeannot puisse cracher du feu, le jeune dragon ne savait pas exactement pourquoi, ou comment, il faisait ceci. Il croyait tout simplement qu'il était un lapin cracheur de feu. Il ne visait pas tout à fait juste, et rasait souvent les forêts locales. Ceci fâchait davantage les villageois. Chaque fois que les villageois l'insultaient et lui montraient leurs poings, Jeannot tremblait d'effroi et se sentait profondément blessé. Il se sauvait, en laissant derrière lui des trous dans le sol même plus grands que d'habitude. Il croyait sincèrement que les villageois voulaient l'attraper, et le manger pour souper. La plupart des villageois, entretemps, tremblaient devant Jeannot, mais n'osaient pas lui tenir tête, de peur de se faire écraser ou brûler vifs. Surtout, ils ne voulaient pas faire ressortir toute la puissance du dragon, puisqu'ils le croyaient méchant, et pensaient qu'il leur voulait du mal. Cependant, Jeannot ne souhaitait de mal envers personne. Il désirait simplement sauter ici et là, bien manger, et bien s'amuser. Un jour, un groupe de villageois se rassemblèrent, armés de faucilles, et chassèrent Jeannot jusqu'au pied des montagnes. Jeannot était terrorisé. Il crachât du feu au visage de tous, et blessa ainsi quelques-uns des villageois en colère. Ceux-ci furent donc bien contents de se débarrasser de lui. « Vas-donc retrouver tes dragons », lui crièrent-ils par la tête avant de partir. Laissé tout seul, Jeannot se mit à pleurer. « Que vais-je faire à présent? » se lamenta-t-il, réduisant en cendres par ses soupirs un sapin environnant. Tout à coup, il entendit un pas lourd non loin de lui. Les arbres furent écartés par deux grandes pattes, et une vieille dragonne sage se planta devant Jeannot. « Bonjour Jeannot. Te souviens-tu de moi? » Jeannot se frotta les yeux et dévisagea son interlocutrice. C'était Madame Jeannine Dragon, qui avait joué avec lui lorsqu'il était tout petit. Le cœur de Jeannot fut rempli de soulagement et de reconnaissance. Enfin, un visage sympathique. « Quel bonheur de vous revoir, s'exclama-t-il avec joie. Les villageois me chassent constamment, et maintenant, ils m'ont renvoyé! » Jeannine Dragon sourit. « Eh bien, tant que tu es parmi nous, viens-donc cracher du feu en bonne compagnie. Ainsi, nous t'enseignerons à viser juste, et tu pourras te servir de tes flammes pour aider les gens, plutôt que pour commencer des incendies. » Jeannot sautilla tout heureux jusqu'à la clairière des dragons, où ceux-ci étaient réunis en cercle. Tous l'accueillirent chaleureusement. Jeannot ne se sentait plus comme un petit lapin sans défenses. Alors qu'il crachait du feu tout comme les autres, il vit son image reflétée dans une flaque d'eau. Il était lui aussi un dragon, après tout! Jeannot se sentit subitement ridicule, bien que très content. « La prochaine fois que j'irai dans un village, je ferai attention lorsque je me promènerai, se dit-il tout bas. Et je tenterai de ne pas tout brûler sur mon passage. » |